jeudi 14 juin 2007

Qi Gong

En parler est en fait compliqué, parce que la notion de « Qi Gong» comme catégorie générale pour caractériser un type de gymnastique et/ou de méditation dynamique ou statique n'existait pas en Chine avant les années 50, et même aujourd'hui le chinois peut dire « Qi Gong» pour « respiration».

Le terme de « Qi Gong» tel qu'il est utilisé de nos jours, aussi bien en Europe qu'en Chine, comme par exemple au Centre National de Qi Gong de Beidahue, renvoie à des techniques de dynamisation de l'énergie au service d'un projet utilitaire, recouvrer ou;:;renforcer la santé, mais, encore une fois, cet usage est nouveau.

Ce terme de Qi Gong est donc une catégorie générale utilisée pour qualifier des séries gymnastiques mises au point au XXème siècle, comme le « Qi Gong pour nourrir l'intérieur» de Liu gui zhen, le « Qi Gong des yeux» de Zhang kun lin ou le Zhi Neng Qi Gong,« Qi gong de l'intelligence du coeur », de Huan nai (ces deux derniers enseignés par leurs créateurs à Paris) ; ou héritées de la plus haute antiquité, et parfois intégrées dans des séries complexes, comme le Dao Yin Yangsheng Gong de Zhang guang de.

Ces gymnastiques de l'ancienne Chine pouvaient être ce qui était appelé Dao Yin Fa, des «voies pour conserver la santé », mises au point par les médecins chinois pour leurs patients afin de préserver leurs gages: rétribués par le biais d'une rente dont le versement était suspendu si le client était malade et pour toute la durée de la maladie, ils avaient donc intérêt (tout au contraire donc des médecins occidentaux) à garder leur patient en bonne santé et à le guérir rapidement.

C'est tout naturellement qu'ils ont orienté leurs recherches vers la diététique et les pratiques gymnastiques pour préserver la santé de leurs patients et donc leurs propres revenus, dans une pratique dont pourraient peut-être s'inspirer nos réformateurs l)our convertir les généralistes à l'assainissement de la Sécurité Sociale.

Mais d'autres pratiques gymnastiques existaient, en particulier celle des Nei gong (« exercices internes »), préparatoires à l'exercice d'un art martial et/ou de la méditation.

Les traditions de ces Nei gong sont antiques et vénérables, et on peut en prendre deux exemples.

Avec Yi Jin Jing (à peu près« Transformation du Subtil dans les Canaux»), mis au point sous la dynastie Song (960-1278) par synthèse entre une méditation au repos (Zuo Chan, plus connu sous son nom japonais de Zazen) et un art martial bouddhiste, on a affaire à une pratique bouddhiste en douze mouvements ensuite reprise par les taoïstes dans leurs « Huit pièces de

brocard» (Ba Duan Jin) – qu’enseigne M° TAMURA en « préparation d’Aïkido »- ensuite intégrées comme une partie du Nei Dang Qi Gong mais souvent simplifiées en «Huit pièces de soie», toujours donc en huit mouvements.

L'objectif du Yi Jin Jing, dans le recueil de même nom publié en 1624, sous l'empereur Tian Qi, est de « transformer la contracture et les crampes en détente », «transformer la faiblesse des tendons en force », «transformer les

rétractions des muscles et les ramener à la normale », « transformer la

sensation de muscles en coton en la sensation de muscles d'athlètes ».

D'un point de vue tout ostéopathique, on ne peut qu'observer la parenté de ces objectifs avec Jiazi, en particulier avec les objectifs de l'élément Bois.

Il est à remarquer que c'est cette tradition qui a été ensuite reprise dans le « Nei gong de la chemise de fer» célèbre chez les pratiquants d'arts martiaux et, au delà, dans tous les Ying Qi Gong (Qi Gong durs), pratiqués par les degrés supérieurs des moines guerriers Shaolin.

Mais avec Wu Qin Xi (les cinq animaux), la parenté est encore plus profonde: cette série, fixée dans ses cinq formes des tigre, cerf ou serpent, ours, grue, et singe par le génial médecin Hua tuo (141- 208), alors que l'Empire était déchiré par l'anarchie, fruit de la remise en cause du pouvoir impérial par les sectes taoïstes et manichéennes, travaille comme Jiazi sur les cinq « éléments» (xing) et les cinq organes, exactement dans le même ordre dans sa pratique juste.

Cette succession des cinq éléments (Wu xing) ne fait que reproduire la croix taoïste bien connue, en Wu Qin Xi on commence dans le Bois du printemps et on termine dans l'Eau de l'hiver, la Terre de l'Ours conservant sa position centrale au milieu de la série, tandis que dans le Mei Hua Zhuang on commence dans l'automne du Métal et termine dans la Terre.

Mais les origines sont encore plus profondes: bien avant

Hua Tuo, Zhuang zi / Tchouang tseu au IVème siècle avant J.C. fait allusion dans La promenade sans contrainte à la pratique d' « expirer et aspirer en soufflant fort et en soufflant faible, en crachant l'air vicié et en absorbant l'air frais, en se suspendant comme l'ours et en s'étirant comme l'oiseau ».

On remarquera qu'ici il n'est pas fait allusion à de quelconques mouvements qui dans Wu Qin Xi justement pratiqué, ne sont que des extériorisations, mais simplement, comme dans les plus vieilles pratiques taoïstes, de Tu Na (inspir / expir).

C'est que Wu Qin Xi découle directement des pratiques d' impersonation chamanique telles que réalisées par les sorciers (fang Shi), s'efforçant de pénétrer le monde subtil pour s'emparer de la force vitale de l'esprit des animaux et intégrés dans la religion chinoise sous les Zhou occidentaux

(1111-711 avant J.C.).

C'est des cinq animaux que découlent les Qi Gong très prisés en

Occident parce que puissants et spectaculaires, aussi bien d'ailleurs dans leurs effets positifs que nocifs (par possibilité d'afflux trop brutal, comme dans le yoga de la Kundalini, de sang au cerveau) que sont les Qi Gong statiques du Tigre, du Serpent, de l'Ours, de la Grue (dans ses formes multiples), etc.

Au delà, ces cinq animaux ont structuré toute l'histoire des arts martiaux en Chine: il y eut des Wu shu (ce qu'on appelle depuis les années 70 kung fu) des Cinq animaux, des pratiques des armes des Cinq animaux, de forme bouddhiste ou taoïste, avec des variantes régionales, remplaçant certains animaux par d'autres, hélas le plus souvent sans respecter les cinq éléments ni leur succession naturelle, avec de perpétuelles reprises et imitations des pratiques de Wu Qin Xi :

pour se limiter à un seul exemple, le poing fermé du Tai Ji Quan / Tai Chi Chuan n'est en lui ,même qu'une griffe d'ours repliée sur elle-même.

Wu Qin Xi a dans une large mesure structuré toute l'histoire des gymnastiques chinoises, qu'elles soient une méditation dynamique destinée à accroître la longévité ou tournées vers la pratique martiale.

La plupart des Nei gong dont il vient d'être question ouvre la voie à une pratique martiale, mais les aléas de la transmission opposent les formes martiales au Nei gong.

Dans les Shaolin ou le Youshen Bagua Zhang tel qu'enseigné en France dans ses soixante-quatre formes par Zhang kun lin

le Nei gong se trouve indéfimiment rappelé et repris dans les séries,

re- énergisant sans cesse qui les pratique, dans une méditation dynamique qui ouvre la voie à une progression infinie, tant du point de vue physique que mental et spirituel.

Ce fait est d'autant plus à noter que, comme il a été souvent observé, trop souvent les pratiquants interrompent leur pratique avant d'être parvenus au niveau qui pourrait leur faire découvrir cette voie.

Cette particularité est aussi partagée, et cette remarque va sans doute en étonner beaucoup, par le Tai Ji Quan / Tai Chi Chuan.

Le destin de ce pauvre Tai Ji Quan, enseigné presque partout en France (mais de quelle manière!) par des «maîtres» hâtivement formés ou reconvertis, représente d'ailleurs le contre-exemple à éviter absolument, tout simplement parce qu'il a conservé sa force première, et donc est potentiellement dangereux pour qui le pratique sans discernement :

(certains sinophiles amenés aux bords de l'internement psychiatrique par un Qi Gong mauvais en lui-même, mal pratiqué ou mal enseigné).

La première diffusion date du XVIIème siècle, date à laquelle, de par l'interdiction alors édictée d'enseigner ou de pratiquer les arts martiaux, ceux-ci se sont alors transmués en danses, le point extrême de l'évolution représentant la célèbre « Danse du Lion».

Le Tai Ji Quan comporte aussi une pratique des armes:

pour un bénéfice avant tout spirituel, en réservant l'usage plus proprement martial aux degrés supérieurs de la pratique, c'est à dire à ceux qui désormais n'éprouvent plus les émotions négatives des Cinq Organes (Wu Zong), et, tout au contraire, sont pénétrés des Cinq Vertus (Wu Chang) de leurs Cinq Ames (Wu Shen).

Pourtant il y a un, ou plutôt plusieurs Tai Ji, suivant que l'on a affaire au style Yang et à ses variantes, au Cheng, ou bien encore à d'autres plus internes ou plus martiaux des styles du Tai Ji.

Précisons pour les pratiquants d’Aïkido que la dimension interne existe en Aïkido dans la préparation et également dans les techniques en effet cela fait partie de la recherche du fondateur, (A approfondir une autre fois !)

BIBLIOGRAPHIE

( dans un strict ordre alphabétique à partir du patronyme du premier auteur s'il y a lieu) :

. Yves REQUENA, Qi Gong, gymnastique chinoise de santé et de longévité, Guy Tredaniel éditeur (76, rue Claude Bernard,

75006 Paris), 1989, et A la découverte du Qi Gong, chez le même éditeur, l'on et l'autre complétés par des cassettes vidéo démonstratives disponibles près l'Institut Européen de Qi

Gong (La Ferme des Vences, 13122 Ventabren).

Kun lin et Catherine ZHANG, L'énergie vitale: le Qi Gong, voie de la santé, éditions du Bastberg, 1996, avec des cassettes vidéo démonstratives disponibles au Centre Likan (66, rue Jean-Jacques Rousseau, 75001 Paris).

Mian Sheng ZHU, Michel ANGLES, Siavoch DARAKCHAN,

Souffle et énergie. Le Qi Gong, Editions du Rouergue

(5 rue Cusset 12000 Rodez), 1994, avec des cassettes vidéo démonstratives disponibles pour le Dao Yin Yangsheng Gong aux Temps du Corps (36 rue du Docteur Foucault 92000 Nanterre).








MC

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